Ma place.
Les yeux clos, je suis installée en tailleur sur ma couche de fortune dans ma cellule. Quand mes paupières sont closes, j'ai presque l'impression que je suis libre, avec lui. Et nos enfants. Je le vois jouer avec son fils, les yeux emplis de fierté, et moi qui garde notre fille sur mes genoux.
- Madame. Y'a Kravus qui veut vous parler.
Je soupire en rouvrant les yeux. Ça me ramène très vite à la réalité de ma condition, dans ma cellule du Norfendre. Les murs de pierre gelés, les lits défoncés, la bouffé dégueulasse. Et les deux détenus les plus balaises devant ma cellule, en gardes du corps. Il faut dire... Que j'ai mérité ma place.
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Alors que je profitais du soleil de l'après-midi qui réchauffait ma peau pâle, cela dû aux nombreux jours passés enfermée, un groupe d'individus peu fréquentable s'est approché. Un homme baraqué, barbu et sentant la sueur à plein nez marchait en tête de groupe. Malgré l'odeur, il n'en restait pas moins impressionnant. Ce devait être le chef, puisqu'il prit la parole en premier :
- J'ai rarement vu d'aussi jolies femmes par ici...
- En même temps... Vu ta gueule, lui dis-je, tu dois pas attirer grand monde ici.
Il fronce les sourcils, mais ne relève pas ma pique.
- Il se dit dans les quartiers que tu es une Stryder... Mais je n'y crois pas.
Je relève mon regard sur le type en question.
- Si tu n'y crois pas... Pourquoi tu demandes ?
- Parce que je veux en avoir le coeur net.
- Oh.. Je vois. Et bien tu peux rassurer tes petits copains, parce que c'est bien moi. Clove Stryder.
- Hé vous entendez les gars ?! Nous avons sa femme parmi-nous ! En personne ! Elle mérite clairement pas de rejoindre mon groupe..Pas vrai les mecs ?!
Un groupe s'est formé autours de nous. Une voix grave et masculine s'élève dans les rangs :
- Tu ne devrais pas la provoquer comme ça, Kravus. Méfie-toi.
- Et pourquoi donc ? Tu crois qu'une gamine comme ça va s'attaquer à moi ?
- Je t'aurais prévenu, lui lance l'inconnu.
- Hé, gros balourd. Regarde moi.
Avant même qu'il ait fini de se tourner vers moi, mon pied part violemment dans son genou gauche. Je le vois tomber, juste au bon niveau, et j'arme mon poing droit pour lui mettre une grosse mandale en pleine mâchoire, ripant sur son nez. L'os nasal fait un bruit de craquement sonore, tandis que je l'attrape par les cheveux, et que je le ramène vers moi en montant mon genou. Sa mâchoire fait un son horrible, et il recrache une dent. Mine de rien, il a les os costauds. Je remercie ma chance qu'il m'ait autant sous-estimée, et que j'ai été assez rapide pour le mettre au sol. Je détends mes doigts en les bougeant un peu, les gardiens débarquent et assènent des coups de matraques à plusieurs d'entres nous pour séparer le groupe. Tout le monde est mis à terre, le temps que les esprits se calment.
- Alors ? Tu me crois toujours pas capable de t'en mettre une ?
Il n'a jamais répondu. Il était inconscient.
Curieusement, après ça, tout le monde a été très respectueux avec moi. A un point presque maladif, et jusqu'à me fournir une escorte et le meilleur traitement possible en prison. Mêmes les gardiens faisaient mine de changer de couloir pendant leur ronde quand j'arrivais avec mes balourds.
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Encore cet abruti. Génial.
- Fais rentrer.
Je vois Kravus. Le chef déchu, et les yeux pleins de haine arriver dans ma cellule. Les deux balaises le surveillent, une main dans la poche. Probablement serrée sur un canif de récupération.
- J'voulais te dire, Stryder...
- C'est Madame, pour toi.
Il serre le poing. Il sent bien que la situation n'est pas à son avantage. Mais il arrive pourtant a se détendre.
- Je voulais vous dire, "Madame", que j'étais désolé. Je vous ai clairement... Sous-estimée...
Ça doit lui arracher la gueule, à un point. Mais Jim me l'a toujours dit, il faut savoir composer avec ses amis, et accepter la reddition de ses ennemis. Je finis par me lever.
- J'en attendais pas moins de toi d'un homme de ta trempe, Kravus.
Je le prends par l'épaule et l'emmène à l'entrée de ma cellule.
- Tu as bien compris que je n'allais pas rejoindre ton groupe. Mais bienvenue à toi dans mon royaume.
Mon bras libre finit de lui désigner d'un geste large le reste de la prison, et Kravus se fend enfin d'un sourire.
Celui du tueur loyal.